Parole d’expert : Eric de Broche des Combes, fondateur de Luxigon
Eric de Broche des Combes est un architecte et un graphic designer français. Après avoir été diplômé en architecture et en urbanisme, il a fondé Auralab, son premier cabinet de visualisation architecturale. Il y a un peu plus de 10 ans, il a fondé Luxigon, un des plus prestigieux studios de rendus 3D au monde. Eric a également contribué à de nombreuses publications, intervient dans des conférences et enseigne à la Harvard Graduate School of Design.
Vous êtes né et avez grandi à « La Cité Radieuse », un bâtiment de Le Corbusier. Dans quelle mesure pensez-vous que cela ait influencé votre choix de devenir architecte ?
Je me le demande encore … Il y a certainement eu une influence mais je ne suis pas sûr qu’elle soit du fait du bâtiment lui-même mais plutôt celle de l’intention qui l’habite.
La Cité Radieuse est une expérimentation à la fois architecturale et sociale. L’architecture étant un art complexe, on la vit d’abord d’une manière très naturelle et immédiate en tant qu’enfant, ça n’est que plus tard que l’on commence à comprendre le processus intellectuel sous-jacent. Elle était pour moi aussi évidente qu’une forêt ou une colline. La vie dans l’immeuble était très particulière dans les années 70, finalement très proche d’une communauté beatnik. Il y avait beaucoup de gens étranges. Ce qui est certain c’est que cette vision très anti-conventionnelle du Corbusier est inscrite dans mon caractère. C’est une fois mes études terminées que j’ai enfin admis la grande tendresse qui me lie à ma maison d’enfance. J’aime la singularité. Il faut tenter beaucoup pour se connaitre un peu.
La musique, les films, le graphic design… Vous êtes un artiste complet. Toutes ces passions nourrissent-elles votre inspiration lorsque vous imaginez une ville, un espace ou un bâtiment ?
Je ne suis vraiment bon à aucunes mais je suis certainement le produit de toutes ces passions. Je m’intéresse littéralement à tout – à part peut être aux chevaux, à la natation synchronisée et au vin. C’est probablement un effet secondaire de mon éducation. J’ai eu la chance de beaucoup voyager avec mes parents quand j’étais jeune et plutôt dans des musées que sur des plages. L’ordinateur a permis de les fusionner au lieu de les tenir séparées.
Le mieux on comprend, le mieux on est capable d’interpréter et de rendre tangible ce qui est imaginaire. La musique et le dessin sont incroyablement complémentaires parce qu’ils agissent dans des spectres de perception différents. A un certain moment il faut “se sentir là” lorsque l’on tente de représenter un projet et la pratique de différentes formes d’expression est certainement une façon d’aiguiser cette capacité à se séparer du réel.
Par ailleurs la frustration s’exprime remarquablement bien au travers d’une guitare électrique et d’un ampli à 11.
La transmission de savoir et de savoir-faire semble importante pour vous. Préférez-vous enseigner la technique ou un état d’esprit ?
Les deux sont importants j’imagine mais ils ont probablement une forme de hiérarchie. L’idée prime, suivent la méthode et enfin l’outil. Les outils, surtout lorsqu’ils sont informatiques, sont amenés à évoluer rapidement et en général vers plus de simplicité. Ils font partie d’un circuit court d’apprentissage, qui m’intéresse moins. Mais ils s’influencent entre eux donc aucun n’est vraiment négligeable. Par ailleurs j’ai une technique vaguement anarchique basée sur le résultat – peu importe comment ça marche du moment que ça marche. Ce serait difficile à expliquer. Je suis beaucoup plus attaché au développement de l’idée. C’est aussi passionnant d’envisager l’avenir avec des étudiants. Ils sont d’une génération fascinante qui n’a quasiment aucune appréhension de la technologie. C’est une extension d’eux-même alors que je vis toujours en partie dans un monde fait de Basic et prises péritel.